CinéPassion le 14 décembre Ladybird de Greta Gerwig au cinéma Le Maintenon
Séance ouverte aux lycéens entrée 3.5 pour les élèves DP et Externes
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CINÉMA article du Monde Par Jacques Mandelbaum
« Lady Bird » : l’irrépressible désir d’ailleurs d’une ado américaine
La réalisatrice Greta Gerwig aborde avec justesse et délicatesse l’adolescence tumultueuse d’une jeune fille dans ce joli film cinq fois nommé aux Oscars.
Grande fille empruntée au charme nébuleux, Greta Celeste Gerwig, 34 ans, fut longtemps connue des cinéphiles comme la star d’un cinéma du « marmonnement » (« mumblecore » en anglais, mouvement caractérisant des productions fauchées, souvent tournées en appartement), prisé par une minorité d’esthètes new-yorkais, notamment sous la direction de son compagnon et réalisateur Noah Baumbach. Il était en même temps prévisible que cette jeune femme sensible, intelligente et ambitieuse, qu’on retrouvait parfois collaboratrice à l’écriture des films, passerait un jour derrière la caméra. Prédiction à moitié réalisée dès 2008 avec Nights and Weekends, cosigné avec Joe Swanberg, et totalement aujourd’hui, avec Lady Bird, très joli petit film qui s’arroge rien moins que cinq nominations aux Oscars.
Le genre, plus goudronné qu’une autoroute, est celui du récit de formation, à soubassement autobiographique. Autant dire que parvenir à y faire entendre une note singulière relève de l’exploit. Ici atteint, avec grâce, justesse et élégance, ce qui suffit au plaisir du spectateur quand bien même on n’en serait pas au niveau chef-d’œuvral du genre (Les Quatre Cents Coups, de François Truffaut, Deep End, de Jerzy Skolimowski). Le cadre est Sacramento, capitale de l’Etat de Californie, nonobstant placée par la cinéaste, native de la ville, sous l’invocation assassine d’une citation de la romancière Joan Didion, autre native : « Quiconque parle d’hédonisme californien n’a jamais passé Noël à Sacramento. »
Là, pousse comme le chiendent la fantasque adolescente Christine McPherson, alias « Lady Bird », à laquelle la jeune actrice américano-irlandaise Saoirse Ronan, cheveux rouges et regard ciel, confère la juste mesure de déprime et de piment. Parents aimants qui se sacrifient pour elle, dernière année d’un collège religieux, ennui provincial, rêve d’émancipation new-yorkaise, attente du grand amour. Topo classique, autour duquel sont disposés quelques personnages-clés. Mère infirmière, sa plus chère ennemie, femme de principes, dure au mal mais cœur ouvert. Père informaticien fondant comme une crème, nappé de la mélancolie du chômage forcé. Frère punk tendance vegane, fourré chez les parents avec sa petite amie qui lui rend des points.
La danse fébrile de l’adolescence
Dans le cercle non familial, entre Julie, la très vieille amie tendanciellement obèse (interprétée avec gourmandise par Beanie Feldstein, qui n’est autre que la sœur de l’acteur, producteur et scénariste Jonah Hill) ; puis Danny (Lucas Hedges), premier fiancé franchement rouquin issu d’une famille patricienne ; puis Kyle (Timothée Chalamet), second fiancé ombrageux, aux origines plus tortueuses, « guitar hero » rimbaldien d’un groupe de rock français. La répétition d’une comédie musicale à l’école, un trajet en voiture avec sa mère, un déflorage express, une présentation à la famille de son fiancé, sont le type de situations archi-triviales qui organisent le récit, de la linéarité routinière de laquelle l’héroïne (mais aussi bien la réalisatrice, dans sa manière de conduire ledit récit) va tenter à toute force de s’échapper, par exemple en sautant de la voiture en marche durant une séance de remontage de bretelles.
Tout cela et tous ceux-là dansent avec Christine la danse incertaine, fébrile, rayonnante et étrange de l’adolescence, au rythme d’une mise en scène dont le premier et le dernier mot restent la délicatesse. Greta Gerwig ne s’appesantit jamais, elle va vite, distancie, décale, effleure, varie les degrés sur le baromètre de l’humeur, traite les bonheurs et les malheurs sur un pied d’égalité, et trouve dans cette vivacité même la formule de mise en tension de sa jeune héroïne. Partir, se tirer, s’éclipser, se carapater, mettre les bouts, s’enfuir, détaler, plier bagage, mettre les voiles : comment mieux dire le violent, l’irrépressible désir d’ailleurs qui taraude Lady Bird ? C’est à ce diapason que le film module la jeune femme, tendue tout entière vers le rendez-vous que la vie lui fixe avec elle-même, qui serait déjà une autre.
Film américain de Greta Gerwig. Avec Saoirse Ronan, Laurie Metcalf, Tracy Letts, Timothée Chalamet, Beanie Feldstein, Lucas Hedges (1 h 34). Sur le Web : ladybird.movie et fr-fr.facebook.com/ladybirdmovie
Jacques Mandelbaum